L'amour sans le faire

1 décembre 2013

Serge Joncour

Flammarion 2012, 320 p.

Existe en poche

LU DANS LE CADRE LA SESSION 20 DE "UN MOT, DES TITRES" DE CALYPSO

4^e de couv :

Après dix ans de silence, Franck téléphone un soir à ses parents. Curieusement, c'est un petit garçon qui décroche. Plus curieusement encore, il s'appelle Alexandre, comme son frère disparu des années auparavant. Franck décide alors de revenir dans la ferme familiale. Louise, elle, a prévu d'y passer quelques jours avec son fils. Franck et Louise, sans se confier, semblent se comprendre. "On ne refait pas sa vie, c'est juste l'ancienne sur laquelle on insiste", pense Franck en arrivant.
Mais dans le silence de cet été ensoleillé et chaud, autour d'un enfant de cinq ans, "insister" finit par ressembler à la vie réinventée. L'Amour sans le faire, c'est une histoire de la tendresse en même temps qu'un hymne à la nature, une nature sauvage, imprévisible, qui invite à change, et pourquoi pas à renaître.

Ma chronique :

Rencontre autour de l’absent.

Alexandre est décédé il y a déjà quelques années. Il a laissé Louise sa compagne, Franck son frère et ses parents avec un vaste silence entre eux.

Nous suivons en alternance le voyage de Franck et celui de Louise vers la ferme familiale.

Pourquoi tout à coup se voyage vers la ferme ? Une coïncidence ? le destin ?

Louise n’arrive pas à oublier Alexandre et c’est au hasard d’une rencontre (sans amour) qu’elle va concevoir un petit, qu’elle va nommer Alexandre et qui va aller vivre à la ferme.

Au début j’avais la voix de Serge Joncour dans la tête, surtout les chapitres avec Franck et le train, il faut dire que ses compagnons des « Papous dans la tête », émission de radio que j’adore, le taquine avec « ses voyages en province » et «sa grande connaissance » des chemins de fer français ! Mais petit à petit le texte a repris ses droits.

J’ai beaucoup aimé ses personnages avec leurs fêlures, leur côté taiseux, le côté pudique des sentiments.

L’amitié et la solidarité autour de Louise c’était très touchant. Cela forme un contraste avec les frères Berthiers qui incarnent la rivalité ancestrale entre voisins, avec des rancunes larvées.

Franck dont la caméra forme comme un écran entre lui et la dure réalité, cela donne un regard particulier. C’est une mise à distance sous couvert de garder des images.

Il y a des êtres qui semblent venir au monde pour réunir les gens, il émane d’eux une énergie qui rend possible l’impossible. Alexandre semble incarner cet être.

A un moment donné, la caméra change de main et Franck est obligé de rentrer en contact avec le présent, le réel, la part humaine. Il laisse la main à l'autre. Une complicité va naître entre plusieurs personnages qui avaient dressé des barrières. L'absence des parents, c'est un peu comme s'ils donnaient une chance à la nouvelle génération.

On part de situations fermées, appartements, usines en déroute, chams en désolation, coupure d'eau, vers une ouverture comme si en ouvrant la terre pour résoudre une situation bloquée tout se débloquait et on va vers une possibilité de futur. Des projets... un soutien possible. Transmission et passage de relais.

J’ai apprécié cette histoire et la délicatesse de l’écriture. Le fait que le roman soit ancré dans un quotidien provincial français joue peut-être aussi dans la compréhension des sentiments exprimés, et l'ampathie que cela engendre.

Il y a un côté cinématographique et non seulement parce qu'une caméra est là. C'est une histoire que je vois bien devenir un film.