zigzags en France
2010, 200 p.
1811-1872
L’infatigable arpenteur des routes du monde que fut Théophile Gautier a beaucoup « zigzagué » en France, selon une expression qui lui est chère. on retrouvera dans cette anthologie la trace de cette bougeotte et de cette curiosité insatiables : une excursion à Cherbourg, au mont Saint-Michel ou encore dans Paris (tirée de Quand on voyage, 1865), des divagations sur le paris du futur (dans Caprices et zigzags, 1852), de longs détours dans les Vosges, au mont Blanc ou sur la Meuse (extraits de Les vacances du lundi. Tableaux de montagnes, 1881), une errance vers Marseille (Loin de paris, 1865). Le style de l’auteur, sa prose sensuelle et ce qu’il appelait ses « mots de lumière », donnent du panache à ces déambulations. Car Gautier écrit comme un peintre ou un photographe.
Capté par son regard, un village ou un paysage se transforme aussitôt en scène ou en tableau. Comme les escapades qu’il nous recommande, sa langue imagée vaut assurément le détour…
COMENTAIRE :
Voilà bien longtemps que je voulais lire des récits de voyage du XIX siècle, l’opportunité m’a été donné par ce partenariat François Bourin Editeur/ Blog of Book, je vous en remercie. J’avais lu quelques extraits des voyages de Prosper Mérimée en Espagne. Mais, avec Théophile Gautier a un autre style, un autre regard.
Nous avons là, un beau livre aux formes agréables, on le prend en main, l’illustration de la couverture, couleur sable et représentation d’un lieu en Provence nous situe bien l’époque.
Le nombre de pages est aussi judicieux, quand à l’introduction passionnée de Charles Wright, elle nous donne envie de nous plonger dans les zigzags, les routes secondaires… nous qui ne voyageons la plupart du temps que sur des autoroutes aseptisées…
Le narrateur utilise le « nous » de modestie ou de rédaction, formule classique, cela crée, ici, une certaine distanciation et en même temps c’est comme s’il nous incluait dans les péripéties.
Ce qui est intéressant dans ce type de récit, c’est que malgré les digressions et autres fantaisies, on a un témoignage de l’époque. Les artistes cités sont des gens connus des contemporains de Théophile Gautier.
On y retrouve une préoccupation de l’époque : les progrès techniques. Pas toujours positif « En outre rien n’est odieux, selon nous, comme d’obéir au moyen mécanique, d’être esclave de la locomotive et de passer à l’état de colis. »
J’ai noté : « en ce siècle hâtif, à la respiration entrecoupée et haletante, qui s’essouffle pour arriver quelques minutes d’avance au but, il est agréable de prodiguer cette monnaie du temps, si précieuse aujourd’hui, et d’employer trois jours à ce qui pourrait se faire en trois heures.» (70) voilà une réflexion qui n’a pas pris une ride.
La photographie commence à faire partie des « expéditions ».
On retrouve dans plusieurs textes les termes « pittoresques » « odeur balsamique », « il nous a pris fantaisie» et « paillon d’argent » d’autres expressions communes dont je n’ai pas fait de liste exhaustive. Elles devaient décrire des choses qui avaient une résonance dans les milieux concernés par ce type de lecture, un peu comme des formules la mode. Certaines m’ont frappé car peu usités de nos jours.
Le choix des récits est très intéressant, on n’est pas dans la chronologie, mais comme dans toute anthologie c’est celui qui compile les histoires qui donne un sens à l’ensemble de ces textes.
Dans l’ensemble j’ai bien aimé les voyages en France de Théophile Gautier. Seul le récit de l’expédition au Mont Blanc m’a essoufflé et j’ai même dû faire une pause, lire les suivants et revenir ensuite. 66 p. qui m’on semblé former le point central de cet ouvrage, il détonnait par sa structure. Je l’aurais certainement apprécié seul, il doit être intéressant de voir comment cette expédition serait vue aujourd’hui. En le lisant je n’ai pu m’empêcher de penser à la créature de « Frankenstein » de Mary Shelley (1816), traversant les Alpes (qu’il ne cite pas du tout). Mais ici pas de précipitation, des au pieds délicats et des demoiselles font partie du voyage. On y retrouve pas se ton un peu piquant que j’ai cru déceler dans certains récits.
Napoléon III est cité à plusieurs reprises, positivement. Victor Hugo est un « génie » qu’il admire. Ces deux personnalités politiquement opposées citées à peu d’intervalle, j’ai trouvé cela intéressant.
On est pas dans les classiques voyages exotiques du XIX siècle mais l’auteur décrit une France « pittoresque ».
Belle découverte … mon passage préféré reste celui des éléments déchaînés lors de la grande marée au Mont-Saint-Michel.
NB : Par au moins deux fois j'ai trouvé le nom de La Martinn est-ce une coquille? s'agit-il de Lamartine?
NB : Afin de ne pas alourdir ce commentaire j’ai séparé les quelques notes personnelles que j’ai recueilli au cours de ma lecture : Zigzags_en_France.
Je remercie BOB et François Bourin Editeur pour cette découverte.